Briser le silence

Épisode #2 - Deux survivantes nous partagent les conséquences des agressions sur leur vie.

Briser le silence Season 1 Episode 2

Dans cet épisode, Juliette reçoit Annabelle et Lyne, deux expertes de vécu qui abordent avec nous les diverses conséquences auxquelles elles ont dû faire face suite à l'agressions sexuelle dont elles ont été victime. Il sera question, entre autres, des réactions post-traumatiques, de l'impact de l'agression sur l'image corporelle, sur le réseau social et les relations interpersonnelles. Elles nous partagent également les stratégies personnelles qu'elles utilisent afin de composer avec ces conséquences, notamment, les services d'aides et les outils pour y parvenir. 

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🎙️🎥: Gestion Balado Studio

Bonjour, bienvenue au deuxième épisode du podcast Briser le silence. Aujourd'hui, on va aborder les conséquences des agressions sexuelles. On va avoir des témoignages de personnes qui ont vécu des agressions, donc on vous demande d'être attentif à ce que ces personnes-là vont dire, d'être aussi indulgent. Ces femmes-là sont venues pour la première fois faire un podcast, mais j'espère que vous allez apprécier, donc, bonne écoute. Notre balado aborde les violences sexuelles et leurs conséquences. Il peut aussi être question de traumatisme, de violences, de suicide, de consommation, d'auto-mutilation et autres. Cet épisode s'adresse à un public averti. Bienvenue à Briser le silence, votre balado traitant des violences sexuelles, de consentement et des dynamiques de pouvoir entre les individus. Votre animatrice Juliette Marcoux, ainsi que ses invités, échangeront sur ces réalités qui concernent l'ensemble de la population. Merci d'être à l'écoute. Ensemble, brisons le silence. Bonjour, bienvenue au deuxième épisode du balado Briser le silence. Je m'appelle Juliette Marcoux et je suis votre animatrice. Aujourd'hui, je suis en compagnie de deux merveilleuses femmes avec moi, donc je vais vous... les laisser se présenter en fait. Bienvenue, bienvenue à vous deux. Merci. Je ne sais pas s'il y en a une de vous qui veut se présenter en premier. Soyez bien à l'aise. Je peux y aller. Moi, c'est Annabelle Boilard. J'ai 34 ans, je suis maman de deux enfants. Je travaille en relation d'aide, dans le fond puis j'ai connu les services de Viol Secours il y a 12 ans, ce qui fait que j'ai participé un peu à l'ensemble des services de façon plus ou moins active au fil des années. Puis, en fait, c'est un peu cette ressource-là qui m'a aidé à faire face aux différentes conséquences des agressions sexuelles, sujets qu'on aborde aujourd'hui. Bienvenue Annabelle. Merci. Moi, c'est Line Chevrette. Moi aussi, je suis maman de deux grandes filles. J'ai 59 ans puis je suis adjointe administrative. Moi aussi, mon parcours a été un peu... de trouver des ressources, puis c'est ce qui m'a aidé à faire mon cheminement et ce qui m'a amené aujourd'hui à essayer d'aider d'autres personnes qui ont vécu des agressions comme moi, j'ai pu le soulever. Bienvenue, Line. Merci. En fait, on vous a invité aujourd'hui. On est très contentes que vous ayez accepté, répondu à l'appel de Viol Secours, pour donner la parole aux survivantes, aux victimes d'agressions sexuelles, pour que les gens puissent comprendre en fait les conséquences que vous pouviez vivre au jour le jour par rapport à ce que vous avez vécu. Aujourd'hui, je vous rassure, on n'est pas ici non plus pour qu'on rentre dans les détails et l'histoire de l'agression, pas du tout. Vous mentionnez ce que vous souhaitez mentionner, mais on va plus mettre l'emphase, comme j'ai dit, sur les conséquences. De ce que je comprends, vous avez quand même connu nos services, fait que vous devez quand même avoir identifié certaines choses qui vous ont plus touchées. Je ne sais pas s'il y a une chose qui vous a plus marquée, puis que vous seriez prêtes à briser la glace de notre conversation aujourd'hui avec ça? Ouais et bien je ne sais pas toi, mais moi, tsé les conséquences ont vraiment évolué au fil de mon cheminement. C'est ce qui m'a amené à consulter Viol Secours à la base, c'était comme les conséquences actives de stress post-trauma. Fait que cauchemars, je faisais beaucoup d'anxiété, j'avais des réminiscences beaucoup des agressions, fait que tsé ça m'a mené à vraiment une détresse psychologique importante à ce moment-là, ce qui fait en sorte que finalement, j'ai cogné à cette porte-là au final. Moi mon cheminement a été un petit peu plus difficile. Ça a été vraiment long avant que je... parce que pour venir cogner à la porte de Viol Secours, c'est il y a deux ans. Et moi, ça s'est c'est vraiment il y a plusieurs plusieurs années. Fait que, clairement que ça a été comme enfoui, bien enfoui. Puis j'essayais de passer outre ça, mais finalement, c'est comme un volcan qui est en dormance et un jour, il y a quelque chose qui fait que le petit bouchon fuit, puis après ça, ça éclate et c'est là que j'ai fait toute la démarche pour les poursuites, puis la dénonciation et tout ça. C'est ça. Puis je pense que tsé le fait que malgré que ça fait seulement deux ans que tu sois venue chercher de l'aide, c'est quand même une très belle démarche. Ça demande beaucoup de courage de le faire, peu importe le temps que ça l'a pris. Tu es venue chercher de l'aide quand même, puis tu es venue répondre à ce besoin-là. Je te félicite pour ça quand même, c'est très gros. Ce qui est difficile c'est que tsé quand tu te dis ça fait 43 ans que tu l'absorbes. Pourquoi aujourd'hui, tu sors ça?

Tu te dis les gens vont dire:

« Voyons! Tu avais juste à en parler avant. » Fait que tsé c'est tout ça qui fait que le jugement des autres te fait peur.

Fait que tu te dis:

« Et bien non, je vais continuer à vivre avec. J'ai vécu tout ce temps-là avec. » Fait que là, tu essaies de l'enfouir encore, mais quand le bouchon fuit, tu n'es plus capable de l'enterrer. Tu n'as plus le choix, il faut que tu fasses quelque chose. Fait que c'est ce qui m'a amenée à... Ouais, je ne sais pas toi, mais tsé une fois que moi je suis comme rentrée dans le processus, j'ai constaté des conséquences que je vivais, mais que je n'avais pas conscience de, tsé en lien avec les agressions sexuelles mettons. Et bien je pense que, moi je me... j'avais un déni.

De te dire:

« Non, ça ne se peut juste pas. Puis je ne peux pas faire ça à cette personne-là. Tsé je ne peux pas porter plainte contre cette personne-là, je peux pas.» Je pouvais juste pas. C'était hors de... Moi, je suis quelqu'un qui ne veut pas faire de mal à personne, fait que tu vas lui faire mal, ça va lui faire mal. Juste avec les thérapies, tout ça, tsé que je me suis rendue compte que c'est lui qui m'a fait mal, mais de pas vouloir le croire.

De se le faire dire:

« Non, c'est lui le méchant. » Mais non, parce que c'est moi qui lui fait mal là. Tsé, c'est comme... C'est fou. C'est un mécanisme en fait d'adaptation, de se dire: « Non ». Si on accepte que cette personne-là a commis des gestes qui ne sont pas corrects envers nous, et bien c'est d'accepter que c'est arrivé pour vrai. Si on porte plainte, c'est que c'est arrivé. Tsé, ça devient comme plus gros, ça prend plus de place, puis ça rend ça vrai, si je peux dire, tandis que si on vit avec le déni, puis on fait comme si ce n'était pas arrivé, c'est là que bon, et bien on y croit, on n'y croit pas, on essaye plus de camoufler un petit peu tout ça à l'intérieur. Fait que c'est quand même un combat interne assez important de prendre cette décision-là. Oui, puis de se dire que même après 43 ans, tsé que, il y a quelqu'un qui va te croire à quelque part. Parce que je pense que, tsé, il y en a sûrement encore des gens que ça fait longtemps comme ça, puis qui disent, un peu comme moi: « Ça ne sert à rien, de toute façon, ça fait longtemps. Personne ne va me croire. Voir si tu te souviens de ça depuis... après 43 ans. » Tsé, mais il y a des choses marquantes dans ta vie que finalement, même si tu veux enfouir, que tu n'enfouis pas, finalement, tu fais juste vivre avec. Puis après, tu te rends compte qu'il y a beaucoup plus de conséquences que ce que tu pensais suite à ça là. C'est ça c'est un... Moi, je pense que, c'est ça, les gens, il faut qu'ils se disent que peu importe combien ça fait de temps, il faut le faire. C'est difficile là, ça n'a pas une partie de plaisir.

Je n'ai pas dit:

« Ay, youpi, je m'en vais au cinéma! » Mais après, ça va... Tsé là tu commences à faire le processus de guérison. Exact. Qui va être long, qui va être long, qui va être très long, mais si tu réussis à mettre un petit mini<i>plaster,</i> qu'il soit d'un centimètre, et bien ce sera un centimètre de fait. Les deux, vous avez dit là que vous avez comme réalisé qu'il y avait des conséquences que vous n'aviez pas nécessairement identifiées par rapport aux agressions. Est-ce que vous avez des exemples de ces conséquences-là? Que à force de travailler, vous vous êtes dit: « Ah et bien finalement, par exemple, mes maux de tête, c'était peut-être en lien avec ça » ou y a-t-il des choses qui... Hum... je dirais que la honte, peut-être. Puis tsé, moi, j'avais des réminiscences, mais sous forme plus d'émotions fortes là. Tsé, mettons, revivre la peur de façon intense dans des circonstances qui ne faisaient pas nécessairement sens pour moi à ce moment-là. C'est surtout ça qui était présent. Puis, et bien, le sentiment de culpabilité aussi qui venait avec de se dire:« Et bien tsé, j'ai ce souvenir-là. Il y a ça, en tout cas, qui est caché à l'intérieur de moi, puis c'est moi qui n'ai pas correct de vivre un malaise par rapport à ça. » C'est comme si c'était moi qui était responsable, finalement, de ce que je vivais, des conséquences que j'assumais. La honte, la culpabilité, c'est quand même des conséquences qu'on entend régulièrement parler chez les survivantes ou les victimes. Vous, au jour le jour, ça se montrait comment? Vous ressentiez ça par vague? C'est à certains moments, c'est comment que ça se vivait, ça, pour vous? En tout cas, si je parle pour ma part, la honte, c'était comme intégrée dans moi. C'était comme en soi, j'avais honte de moi. J'avais honte de moi dans n'importe quel contexte. Tsé, j'étais une honte. C'est comme si je m'étais attribuée cette caractéristique-là. Fait que, tsé, ça c'est une conséquence en fait qui perdure parfois, puis qui a perduré beaucoup dans le temps.

L'espèce de honte associée à:

« C'est moi qui est comme sale, c'est moi qui n'ai pas correct, c'est moi qui est...» Ouais... Oui tsé c'est ça, on se rejoint pas mal là-dessus parce que tu ne te sens pas bien, tu te sens coupable de... Moi, j'ai toujours dit d'avoir entretenu ce pattern-là dans lequel j'étais. J'étais prise là-dedans, mais je ne le savais pas. Fait que tu l'entretiens jusqu'au jour tsé, comme il n'y a pas longtemps, tu te rends compte que finalement, tranquillement, tu commences à voir que ce n'est pas toi qui l'as entretenu. Tu étais forcée, tu étais jeune. Fait que tsé, ce n'est pas pareil. Mais te sentir pas bien, te sentir sale. Puis d'avoir... Après ça, c'est l'hypervigilance, où tu n'as pas confiance en personne, tu es timide. Je me suis faite à l'école, intimidée à plein, puis je n'ai rien dit. C'est tout ça. Tsé tu n'as pas le droit de parole.

Moi, c'était:

« Sois belle et tais-toi. » Fait que tu continues à vivre avec ça parce que c'est ce que tu as appris, tu roules avec ça tsé puis tu es un peu prisonnière de quelque chose que tu ne voulais pas, mais de t'en défaire, c'est plus difficile parce que c'est ce que tu as appris. On apprend aux enfants à s'asseoir à la table à manger. Et bien autant que là tsé, tu as appris à vivre comme ça. Puis c'est ça, c'est ça la ligne directrice, puis c'est ça que tu suis. C'est plus difficile aujourd'hui de dire: « OK, on n'est pas sur la bonne track. » Tsé, il faut changer de track, mais de la changer, la track, c'est difficile de prendre ce pas-là parce que tu as la peur. Est-ce que je vais mettre le pied à bonne place ou si je vais mettre le pied à côté, puis ça va être encore un échec? Ou la peur de l'échec aussi, tsé c'est beaucoup beaucoup de choses, on pourrait en parler longtemps (rires). Beaucoup de peur, beaucoup de peur de ce que j'entends tsé. Ouais, ouais... C'est drôle. Dans ton discours, j'entends l'espèce de... Ça crée une espèce de culture du silence.

Tsé:

« Sois belle et tais-toi. » Tsé, c'est comme il ne faut pas parler, puis là, effectivement, ça mène à d'autres expériences par la suite où on a comme tellement intégré qu'il ne fallait pas parler, que c'était notre faute si on se sentait comme ça. Fait que oui, moi ça... Et bien oui, parce que tsé c'est... Puis c'est les menaces. Quand tu as des menaces, et bien là, tu ne peux pas... C'est encore pire tsé parce que là, tu te dis: « Eille si je fais ça, je vais briser ça. Si je fais ça, ça va avoir cette conséquence-là. » Puis là, tu les supportes. Ça fait qu'en les supportant et bien c'est impossible là.

Tu dis:

« OK, je vais faire mine de rien, puis ça va être correct comme ça, ça va être plus facile. » Puis tsé, dans la discussion, les deux, vous avez nommé honte, culpabilité, la peur, vous avez aussi dit le sentiment d'être sale. C'est quelque chose que vous avez ressorti les deux dans vos explications, puis c'est quelque chose qu'on entend souvent chez les victimes, que ce soit dans nos groupes ici ou en rencontres individuelles. Ce sentiment-là, de se sentir sale, souillée, parce qu'on a vécu les agressions. Il y en a certaines aussi qui peuvent se sentir mal parce que: «Je dois avoir fait quelque chose pour attirer ça. » Vous, c'est dans ce sens-là? Je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche non plus là, mais c'est... Moi, je dirais que c'est plus intérieur.

J'ai déjà dit à ma psy:

« Je me mettrais un zipper, je me dézipperais, puis je me viderais à l'intérieur. Là, je me sentirais bien. » Tellement c'est... C'est ça. C'est venu ternir... Oui, oui c'est vraiment tout. L'image... Moi, j'ai été une dizaine d'années pas de miroir dans ma chambre, à nulle part. Dans la salle de bains, pas le choix, parce que c'est collé au mur là, mais sinon, non. Je ne pouvais pas me regarder dans un miroir, je ne me trouvais pas belle. On dirait que non, c'est ça... C'est comme si, c'est trop sale. Tsé, parce que là, quand tu travailles, justement, pour essayer de faire sortir comme la lave. Non, tu te regardes dans le miroir, puis les petits morceaux qui sortent, tu ne les aimes pas. Oui, il y a une espèce de regard, et bien l'image corporelle en fait, est changée puis est atteinte. Tsé comme, moi aussi, j'ai eu une période pendant laquelle tsé... me voir, constater mes caractéristiques physiques, on dirait que c'était tellement relié à l'expérience des agressions sexuelles que ça devenait effectivement négatif. Oui, c'est ça. Ça devient comme... C'est dans ton corps là!

Tu ne peux pas dire:

« OK, je le change, je le mets dans une petite boîte puis j'en prends un autre. » On n'a pas de costume comme ça là, tsé fait que c'est d'apprendre à le gérer. Puis à accepter son corps dans sa beauté, sa splendeur, c'est par étapes aussi. Tsé comme tu l'as nommé Line, il y avait comme beaucoup de choses que tu as gardé en dedans de toi, tu parlais du volcan, tout ça. Fait que c'est sûr que pour toi, ça a eu cet effet-là de comme tout ternir ton intérieur. Fait qu'après ça, le reflet que ça t'envoie, c'est certain que c'est confrontant, mais en en parlant, j'imagine que tranquillement, on apprend à faire le ménage, puis on sort le méchant, si je peux appeler ça comme ça. Oui, mais c'est vraiment difficile d'aller vraiment là, tsé dire:« On va vraiment gratter le fond là. » Il y a des choses qu'on dirait que, ça remonte, mais tu n'as pas le goût d'en parler, tu n'as pas le goût de les dire. Des fois, je les écris, mais tsé, il faudrait les dire. Des fois, il faudrait que je les crie pour dire: « Écoute, je suis là, j'existe, je suis quelqu'un! » Tsé, parce que j'ai toujours été juste pas personne. Je ne me suis jamais sentie quelqu'un. Là, tranquillement, la reprise de pouvoir, justement, reprendre un peu la possession de mon moi. Je suis quelqu'un. Parce que quelqu'un me dit: « T'es qui toi?» Tsé, t'es rien. Je ne suis rien. Je ne suis rien parce que sans lui, je ne suis rien. Parce qu'il a occupé une place tellement importante dans ta vie, que c'est d'apprendre à se rebâtir, de se recréer en tant que femme. La reprise de pouvoir, tu l'as nommée.

Je pense que, t'a dit:

« Il y a des choses qu'il faudrait que je nomme, à la place, je les écrits », mais c'est déjà super. Je pense que c'est déjà une étape, puis c'est chacun à son rythme aussi. Ça ne se fera pas un claquement de doigts, mais tsé il y a deux ans, tu as commencé cette démarche-là, fait que c'est déjà ça. Puis la Line qui est arrivée ici il y a deux ans versus la Line qui est devant moi, c'est sûr qu'elle a évolué puis qu'elle a changé. Que ce soit minime ou que ce soit énorme, les différences, il y en a. Ça, c'est clair. Oui, puis tsé, j'utilise beaucoup la création, justement, quand il y a des activités ici de créativité là, j'embarque tout de suite parce que c'est difficile. Je trouve ça extrêmement difficile, mais ça me fait du bien au final. Ça me fait quand même du bien tsé fait que des fois, ça me permet de voir... Comme on en a fait une dernièrement, puis c'était un pe u de méditation, de descendre au plus profond de moi là, écoute c'était... Ça a été plus difficile...... C'était difficile, puis il fallait faire un dessin après de ce qu'on avait vu au plus profond. Ça fait que, pour me protéger et bien je me suis faite une bulle. Puis là, j'embarque dans cette bulle-là, c'est ce qui me protège. Puis après ça, je peux aller comme pas trop loin, mais... Il y en a un petit peu.... quand même. Mais tsé, tout autour, c'est noir. Fait que c'était un peu ça, tsé le dessin que ça représentait, c'était ça. J'étais minuscule là, j'étais toute petite, toute petite, mais j'étais dans cette bulle-là. Puis, cette bulle-là et bien je me suis formée ça comme bulle pour me protéger, fait que quand ça ne va pas, j'embarque dans cette bulle-là. Non, ok, je n'ai plus de son, plus d'images autour de moi, mais au moins tsé... Je ne me frappe pas à coup de bâton parce que c'est comme pas pour vrai là, mais c'est comme si je me tapais dessus. Fait que quand j'embarque là, au moins, j'évite, j'évite ça. C'est déjà bon que tu aies créé ce lieu-là pour toi qui est sécurisant. Puis, avec le temps, probablement que cette bulle-là et bien elle va devenir de plus en plus grande, puis tu auras de plus en plus accès à tout ça, mais chaque quelque chose en son temps. Oui, oui pis tsé c'est ça. J'ai commencé à mettre un petit peu de soleil dans ma bulle quand même. Fait que tsé c'est ça. Tsé, tranquillement, c'est un petit rayon qui traverse, ah et bien on va le prendre. Au fil du temps, c'est ça. Ça l'évolue. Oui. Puis c'est grâce à des gens comme justement Viols Secours et tout ça, qui nous aident à voir un peu tsé... des points de vue différents. Parce que oui, je vois une psy, mais elle a un point de vue, puis ici, il y a un autre point de vue. Puis les gens ne voient pas tout ça de la même façon, puis ils ne nous amènent pas à penser non plus de la même façon. Et bien des fois, c'est ça, c'est de confronter aussi des idées que vous aviez internalisées, que c'était de votre faute, que vous étiez responsable, tout ça, la culpabilité. C'est sûr que nous, comme intervenante, ici, on va confronter ces idées-là, on va remettre la culpabilité à l'agresseur, on va travailler ça avec vous, mais c'est sûr qu'au début, il y en a qui sont réticentes. Ça fait longtemps que c'est ce que vous pensez. Là, nous, on arrive avec une autre idée complètement, fait que ça vient chambouler puis brasser quelques notions que vous aviez depuis longtemps. Ouais. En même temps, ça fait du bien de changer la culpabilité de camp, je pense. Oui, tout à fait. La lourdeur associée à la culpabilité devient moins lourde au fil des années, je pense... des semaines, des mois. Oui. Pour être plus encourageante (rires).(rires) On va mettre un petit peu plus. Annabelle, tu parlais que tu avais commencé, il y a 12 ans, à venir dans nos services. J'imagine que tu as quand même vu une évolution dans les conséquences, tout ça. Je ne sais pas si tu veux nous parler un petit peu de aujourd'hui là, comment tu te sens, comparativement à avant, pour montrer aux gens qui écoutent qu'il y a quand même une évolution. Et bien tsé, de façon générale, en fait j'ai l'impression qu'effectivement, il y a des conséquences qui perdurent dans le temps, mais la détresse que je vivais initialement n'est plus là, tsé j'ai réussi à reprendre du pouvoir dans plein de sphères de ma vie, réussi à recommencer à m'affirmer. Tsé, il y a comme des phases dans lesquelles ça revient, dépendamment de ce que je vis, ce à quoi je suis exposée. Ça fait qu'il y a des moments où il peut y avoir des creux de vague, mais les creux de vagues sont moins longs, puis moins rapprochés dans le temps. Fait que... oui ça permet d'avoir une meilleure qualité de vie, là. Définitivement. Tsé je pense que le rétablissement, ce n'est pas en ligne droite aussi. C'est quelque chose qu'on nomme beaucoup. Il va y avoir des up, il va y avoir des down, tout ça, puis tsé, les services qu'on offre aussi, qui sont ponctuels ici, ça permet un peu de combler ces besoins-là quand ça va moins bien, de savoir que vous avez un filet, des gens qui peuvent vous écouter, vous soutenir, c'est quand même gros dans tout ça. Oui, tout à fait. Ça a été... En fait, c'est un point d'ancrage. Je pense que ça va toujours le rester dans ma vie, un point d'ancrage Viol Secours. Même si, tsé jadis, je l'utilisais de façon active, mais là, je peux passer quelques années sans venir, mais je sais que c'est toujours présent, tsé ça me sécurise de le savoir, puis c'est ça, je sais que ça se peut que j'aie d'autres creux de vagues, puis qu'il y aura une place où je pourrai aller me déposer, où je me sens en sécurité. Ce sentiment de montagnes russes-là, je voyais Line beaucoup(rires) hocher de la tête. C'est quelque chose que tu ressens toi aussi de ton côté? Ah oui, c'est sûr qu'on a... On évolue tsé avec l'aide, puis tout ça on évolue, mais c'est sûr qu'on a toujours un creux de vague où il arrive quelque chose. Peu importe, des fois, autant que ça peut être... Moi, c'est une musique. Ça va faire... ça te ramène tsé. Ou quelqu'un va te dire quelque chose. Aussi banal que ça peut être, il va dire un mot, mais que tu as déjà vraiment entendu et que tu n'aimais pas entendre puis que... C'est banal.

Tu vas le dire, puis le monde va dire:

« Ah, voyons », mais pour toi, pour moi, c'est vraiment accrocheur. Tsé où ce que, oups, là ça te ramène. Ça ne fait pas du bien tsé, mais je suis quand même capable maintenant de

dire: « OK, calme-toi » ou tsé:

« Je vais aller marcher, justement, pour évacuer des fois le trop-plein qui va m'aider à calmer tout ça. » Fait que on a des moyens, on a des outils pour réussir à se ramener sans vraiment descendre aux enfers. Là tu as nommé la marche, je ne sais pas si Annabelle, tu as des moyens, toi aussi, que tu as mis en place de ton côté pour essayer d'évacuer cette, ces difficultés-là ou quoi que ce soit, je ne veux pas te prendre par surprise avec mes questions. Non, c'est bien correct, dans le fond et bien moi, j'ai utilisé beaucoup la course dans mon parcours, fait que tsé quand ça va moins bien, je sais que l'activité physique, ça aide vraiment. Puis, le fait de m'ouvrir à des gens de confiance, le développement de l'affirmation aussi, mettons, par rapport à ces éléments-là qui nous ramènent comme dans des souvenirs du passé, tsé maintenant, je les connais plus. Je sais les éléments qui me ramènent là. Je suis en mesure de les nommer à mes proches puis de dire: « Ça, ça me ramène là, pourrais-tu juste comme ne pas le faire? » Tsé ça aide de connaître, de s'affirmer, puis de voir aussi que les gens sont en mesure de respecter. Ça permet de vivre des expériences plus positives puis apaiser le sentiment de peur, qui est comme des fois omniprésent. Le sport, je pense que c'est quelque chose, tsé marche-course qui ressort beaucoup, mais il y a une multitude de choses qu'on peut faire pour prendre soin de soi, il faut juste apprendre à trouver c'est quoi, puis le mettre en place, mais je vous félicite d'avoir quand même trouvé ce qui vous aidait pour vous, puis de mettre ses limites aussi par rapport à ça. De dire qu'est-ce qu'on n'aime pas entendre ou qu'est-ce qui rend les choses difficiles. C'est le fun, mais c'est quand même quelque chose de complexe à faire pour la première fois, de prendre position devant les gens qu'on apprécie, par exemple un copain, les membres de la famille, de dire: « Hey moi ça, je ne suis pas à l'aise. » Ça prend beaucoup d'énergie puis de: « OK, je le fais. » Mais un coup que c'est fait, par exemple, ça fait du bien. Des fois, c'est confrontant. Oui.

Des fois, c'est confrontant de dire:

« Il faut que je le fasse, mais comment il va le prendre? » Tsé, c'est tout le temps ça. En tout cas, moi, c'est souvent ça. Il faudrait que je le dise, mais ah... je le dis-tu? Je ne le dis pas? C'est encore, encore des fois, dans les décisions où est-ce que le silence, c'est plus facile que de dire. C'est clair, de mettre ses limites puis tout ça, ou tsé de nommer ce qu'on aime, ce qu'on n'aime pas, ça peut amener de la confrontation. C'est clair, on impose quelque chose en termes de: « Moi, je n'aime pas qu'on utilise ce mot-là ou je n'aime pas qu'on fasse tel geste avec moi » ou quoi que ce soit, mais là, ça va peut-être venir confronter l'idée de quelqu'un. Mais c'est ça un petit peu qu'il faut apprendre à travailler.

Est-ce qu'on est plus confortable avec:

« Je ne vais rien dire, je vais traîner ça? » Ou le fait que et bien, possiblement, il va y avoir une petite discussion, mais après ça, le reste de ma soirée, par exemple, va être plus douce, plus agréable. Mais c'est toujours une décision que... Sur le coup, on calcule les points positifs, les points négatifs, il faut que ça aille vite là pour la prendre, cette décision-là. Oui c'est ça. Tu vois, moi c'est comme l'intensité tsé qui est vécue après. Mettons je donne un exemple, moi, le fait de... qu'il y ait quelqu'un qui marche vite derrière moi dans les escaliers, ça, c'est quelque chose qui me déclenche, qui me ramène comme dans une émotion de peur. Je veux juste comme fuir, fait que tsé... Ça, j'ai dû le nommer à mon copain, mettons, parce qu'assurément qu'il aurait vu de toute façon dans mon état que là, je n'étais plus bien avec lui. C'est de l'expérimenter, puis de l'expérimenter aussi avec des gens, des gens en qui on a confiance, vraisemblablement. Puis de commencer à l'expérimenter, oui, avec des gens en qui on a confiance, qu'on connaît, puis tsé, je pense que vous avez probablement développé un cercle de personnes plus de confiance à qui vous pouvez parler, vous ouvrir sur ce sujet-là. C'est plus facile de se pratiquer, par exemple, avec ces gens-là que de commencer avec des collègues de travail ou des inconnus. Quand on se sent déjà plus en sécurité et bien l'expérimenter devient plus facile. Puis après ça, on y va étape par étape, mais on apprend à le faire avec les collègues de travail, des gens qu'on connaît moins, mais encore une fois, je me répète, mais y aller en étape, je pense que c'est ce qui est le plus... qui va amener le plus de réussite à la fin. Oui et bien ça va être moins confrontant. Oui, exact, exact. Puis, on a tendance aussi, en tant que personne, à beaucoup se taper sur la tête,

puis à se dire:

« Il faudrait que je sois rendue là, les autres sont rendus là » ou on se compare beaucoup par rapport au processus de guérison, mais d'y aller à votre rythme, c'est la clé en fait. Tsé Anabelle ça fait 12 ans, toi ça fait deux ans, mais ça aurait pu arriver que tu sois rendue plus loin qu'Anabelle parce que pour X, Y raison, ce soit allé plus vite. Fait qu'il n'y a pas de vitesse ou de rythme de croisière à respecter là-dedans. C'est où est-ce que toi tu es rendu, puis qu'est-ce que tu es prête à aborder aussi. Je pense que c'est ça aussi qui est important quand on veut travailler les agressions sexuelles, le rythme des gens. C'est assez...... Oui parce que des fois, on se compare. Quand on faisait le cours de groupe, tu regardes à l'entour de toi, puis là

tu te dis:

« Ah oui, tsé elle est... Ah oui... ». Mais là, c'est mauvais de faire ça.

Mais là, tu te dis:

« Voyons, tsé,<i> enweille</i> là, avance! Il me semble que tu devrais avancer plus vite là tsé. » Mais après et bien<i> elle</i> elle est rendue là, mais il y a peut-être quelque chose où moi je suis rendue là, puis elle elle n'est pas rendue là. Exact. Ça fait que c'est là que tu te dis: « Non, c'est chacun, on travaille d'abord pas la même chose au même moment, en même temps, fait que c'est normal qu'on soit pas toutes à la même place. » C'est normal. Puis on n'a pas vécu la même chose, nécessairement. Exact. Tsé, ça se rejoint tout, mais sauf que... Ce n'est pas la même chose. Je pense que tsé c'est ça. Au final, on n'a pas les mêmes buts aussi. Il y a des choses que peut-être que toi, tu ne veux pas travailler, que moi, je veux travailler. Tout à fait. J'entends dans ton discours, derrière tsé, qu'il y a comme une part de... d'espèce de sentiment que je ne suis pas correcte. Tsé c'est encore ça dans le fond.« Je ne dois pas être correct parce que je ne vais pas assez vite dans mon établissement. » C'est encore la culpabilité, finalement, qui revient. C'est dans vos deux discours, en fait, ça reste un petit peu teinté par la culpabilité. Puis ça, c'est quelque chose que, probablement, vous allez travailler encore pour un certain moment, mais je suis certaine que c'est moins pire que ce que c'était quand vous êtes arrivées dans nos services. C'est un poids qui s'enlève. Moi, je compare souvent ça, tsé, à traîner un gros gros sac à dos. À un moment donné, tu es fatiguée là, on peut comme en enlever, puis que ce soit plus léger, respirer, avancer dans la vie là. Fait que cette culpabilité-là, je pense qu'on gagne à la laisser aller. Ouais, enlever un petit caillou de temps en temps (rires). Comme Le Petit Poucet. Oui. Semer des petits cailloux, mais on ne veut pas qu'ils repoussent, par exemple. Non, non (rires). On les laisse à terre. Ça fait qu'il y a quand même beaucoup de choses que vous aviez nommées ici. Je ne sais pas s'il y a d'autres choses que vous souhaitiez aborder, j'ai un peu perdu le fil. On a parlé un petit peu du post-trauma au début. Ça a été quand même bref. Après ça, la peur, l'hypervigilance qu'on a apportée, la culpabilité, la honte. Est-ce qu'il y a des choses aussi pour vous qui ont été difficiles, qu'on n'a peut-être pas abordées, qui seraient pertinentes pour vous de partager? Parce que tsé je suis consciente aussi qu'il y a autant de conséquences qu'il y a de personnes victimes. Donc tsé il n'y a pas personne qui va le vivre de la même façon, vous êtes là pour raconter votre vérité. Je veux vous laisser vraiment l'espace pour le faire. Tsé moi, ce qui a été difficile, et bien un élément qui a été difficile dans mon parcours, c'est l'impact comme sur le réseau social. Oui. Parce qu'il y a beaucoup d'agressions sexuelles qui sont commises par des gens de l'entourage là. Ça fait que dans mon cas, tsé deux des agresseurs étaient des personnes connues, fait que ça a créé vraiment un vent de solitude, finalement. Tsé les gens... Au moment où je me suis mis à parler de ça, les gens se sont comme ralliés. Une portion, une grosse portion finalement de mon entourage qui s'est ralliée aux agresseurs. Fait que ça, ça a été, puis c'est encore, je pense, c'est encore quelque chose de blessant puis de marquant par rapport à mon parcours. Tsé là, j'ai comme rebâti un réseau, puis j'ai des gens autour de moi qui ont confiance que j'apprécie, dont je ne voudrais pas me départir, mais il y a quand même cette blessure-là. Tsé les gens ne m'ont pas cru ou les gens ont décidé de prendre parti, puis de me rejeter finalement la culpabilité. C'est comme, c'est moi qui n'est pas correcte de nommer ça ou c'est moi qui n'est pas correcte de dire ça, ce n'est pas la vérité. Ça créé un sentiment d'isolement. Oui, tout à fait. Oui ça a fait le vide dans ma vie à différentes étapes. Oui, ça, ça a été un gros défi.... difficile. Tu as quand même nommé que maintenant, il y a un bon réseau autour de toi qui... mais c'est quand même un deuil de réaliser que certaines personnes vont prendre le camp de l'agresseur. C'est confrontant pour les gens autour de nous d'entendre que quelqu'un qu'ils connaissent, par exemple, a commis des agressions sexuelles. Ça vient beaucoup jouer sur tsé tout ce qui est des valeurs fondamentales. On n'imagine pas que quelqu'un qu'on connaît peut faire ça, peut être méchant comme ça, peut commettre des gestes aussi graves, puis là, quand on arrive en tant

que victime, puis qu'on dit:

« Et bien oui, c'est vrai, c'est ça qui est arrivé. » Il y en a qui rejettent l'idée pour ne pas avoir à être comme confronté à cette situation-là. Ça n'excuse vraiment pas la réaction, mais ça permet un peu de comprendre pourquoi certaines personnes, c'est comme trop difficile, on dirait, à digérer. C'est juste que c'est plate, parce qu'encore une fois, c'est les victimes qui vont vivre les conséquences, puis ça ne leur appartient pas cette culpabilité. Voyons, excusez-moi! Cette culpabilité-là devrait aller dans le camp de l'agresseur, en fait, pas envers la victime. Oui, effectivement, ça rajoute comme un deuil par dessus les autres deuils. Oui, tout le reste là! C'est ce qu'on dit souvent, les femmes qui viennent dans nos groupes,

elles arrivent souvent avec de la colère:

« Je suis comme tanée, il y a juste moi qui vit des conséquences, l'agresseur n'a pas l'air d'en vivre beaucoup. » Puis, je pense que ce que tu viens de nommer, la phrase: c'est un deuil par-dessus un autre deuil par-dessus... C'est un petit peu ça. Ça vient bien expliquer cette espèce de sentiment-là de: « Mais là, ça s'accumule, puis ça s'accumule », puis on ne sait plus par quel bout prendre ça. C'est beaucoup d'émotion en même temps, beaucoup de choses en même temps. Je ne sais pas. Ou de se faire dire: « Voyons, ça ne se peut pas qu'il ait fait ça. » Ça là, tsé, en réalité, c'est comme si, c'est quoi, je l'ai inventé? Je me crée une histoire? « Ça ne se peut pas, voyons donc, je le connais! » Et bien, tu ne le connais peut-être pas au fond de lui tsé. Tu ne le connais peut-être pas nécessairement. Tu connais peut-être la surface de cette personne-là, mais tu ne connais pas le reste, parce que oui, il l'a fait. Oui, mais... Fait que là c'est comme tu as reviré ça vers toi et puis de dire tsé, justement:« Voyons, tu es menteuse. Voyons, tu veux y faire du trouble. Tu veux... ». Tsé, c'est tout ça. Essaie de gérer ça maintenant. Comment tu gères ça?

Tu te dis:

« Est-ce que c'est vrai? Finalement, est-ce que c'est vrai ou si je me compte vraiment une histoire? » Là, tu te poses plein de questions. Fait que tsé ça te ramène à te justifier toi-même. Ça a déjà été difficile d'aller voir ces personnes-là pour leur dire ce qui s'est passé, leur dire la vérité, puis en plus de recevoir ça comme réaction, c'est vraiment blessant là.

Oui, ou bien de poser la question:

« Qu'est-ce qui a fait? » Combien tu n'as pas le goût d'en parler...

Peux-tu juste dire:

« Ok, ça se peut que ce soit arrivé. » Je te crois.« C'est plate. » Ou tsé, je ne sais pas, n'importe quoi. On dirait que le monde sont mal à l'aise aussi face à ça aussi. Ils ne savent pas trop quoi dire. Puis des fois, ils vont te répondre quelque chose qui, pour nous, ça va être comme un peu blessant, mais des fois, c'est un peu maladroit. Cette personne a été maladroite, mais il y en a d'autres que c'est carrément du revers de la main. C'est bon et bien ok c'est ça, j'ai fait un peu comme toi tsé, on fait des deuils. C'est plus facile de t'éliminer que de rester là, à se faire martyriser. J'appelle ça martyriser. Puis tsé, tu l'as nommé, il y a des gens qui sont encore mal à l'aise à parler de ce sujet-là. C'est un petit peu pour ça qu'on est ici, justement, pour sensibiliser, puis parler de la réalité parce que la réalité, c'est que ça l'arrive, puis que dans votre vie, ça se peut que quelqu'un vienne vous confier qu'elle a vécu ce genre de situation-là, puis il y a des réactions à avoir, puis il y en a à ne pas à avoir. On le voit clairement ici, mais ce malaise-là par rapport aux agressions sexuelles, tsé il ne vous appartient pas. Encore une fois, ce n'est pas à vous de le porter, mais c'est encore une fois mis sur vos épaules. C'est beaucoup à porter là à tous les jours, ce poids-là! C'est drôle, l'espèce de revers, tsé de responsabilisation pour les agressions vécues. Moi, ça a eu comme impact de complètement geler mes émotions, finalement. C'est comme si... Je ne sais pas. J'étais complètement déconnectée en fait à un moment, puis même encore, tsé c'est un mécanisme de défense que j'ai qui perdure dans le temps, puis qui refait surface à l'occasion. Mais oui, ça m'a mené à, entre autres, la colère que tu nommais tantôt, le contact avec la colère, je ne l'ai juste pas. Ou il arrive par petites bribes, puis là j'essaie de l'attraper au vol parce que je sais qu'il est important comme dans le rétablissement, mais ce sentiment-là, c'est comme si ça me ramène encore dans le: « C'est moi qui est inadéquate d'être là, d'être en colère, d'être dans cette posture-là.» Moi non plus, moi, je suis incapable d'avoir une colère. Pourtant, ce n'est pas normal, je devrais tsé! Pourquoi, pourquoi je suis incapable d'aller là? Je devrais être en maudit, je devrais tsé... Non, non, c'est impossible de faire ça non plus, la colère, je ne peux pas. Ça fait qu'au niveau des émotions, quand même, c'est une conséquence que vous pouvez identifier les deux, de ce que je comprends là, d'explorer ce monde émotif après avoir vécu un trauma comme ça, c'est clair que ce n'est pas facile en soi, mais la relation avec la colère, en général, les femmes et la colère, c'est plus complexe. Je peux dire que ça a sa réputation. Une femme en colère, c'est moins bien perçue qu'un homme en colère, tout ça. Déjà, juste ça, en plus de vous, vous donner le droit tsé, c'est ça que j'entends beaucoup, se donner le droit, se choisir puis dire: « Moi, je peux ressentir ces émotions-là », c'est compliqué. Quand on s'est faites souvent dire qu'on n'avait pas le droit, quand on s'est faites dire que nos émotions n'étaient pas valides, quand on s'est faites dire que la place qu'on prenait n'était pas importante et bien là

de se dire:

« Je le fais, je connecte avec mes émotions », c'est une grosse décision quand même. Avec la colère qui, qu'on retient depuis un bout, on ne sait pas trop comment elle va sortir.

Si tu viens à la colère, ils vont dire:

« Tu es une vraie folle, une vraie folle » tsé. C'est ce qu'on entend souvent. On n'est pas des folles. Non, vous avez le droit de la ressentir cette colère-là! On aurait le droit, mais on ne se le donne pas. Exactement. La relation avec la colère peut être quand même complexe. On l'aborde ça dans nos rencontres, puis c'est pertinent à toutes les fois. Puis, on entend beaucoup ça: « Ah moi la colère. On dirait que ce n'est pas une émotion à laquelle je veux m'approcher, que je veux toucher. » C'est plus stressant. J'ai l'impression que ça me reconnecte à la de souffrance en même temps. C'est comme si, quand je suis en colère et bien ça me reconnecte avec le trauma. Tsé, ça me dit qu'effectivement, il y a une raison d'être en colère. Fait que ça vient avec le lot de souffrance qui vient avec. Puis, historiquement, j'ai plus utilisé cette émotion-là pour la retourner contre moi, ce qui était plus facile, puis qui était comme encouragé, finalement, par...... par les réactions des autres et l'entourage. Tout à fait. Tsé, fait que c'est beaucoup de choses à comme défaire. Il y a des mécanismes qui ont été mis en place depuis tellement longtemps que là, au moins, vous les identifiez, c'est ce que je trouve quand même (rires)... Si on voit ça d'un angle positif, vous les identifiez. Après ça, c'est des défaire. Là, on va y aller une étape à la fois, mais c'est déjà ça. Mais il y a des patterns que vous avez mis en place il y a très longtemps que, tranquillement... Mais moi, ce que je vois, c'est quand même deux femmes qui sont en reprise de pouvoir puis c'est super le fun. C'est vraiment beau de vous voir aller, vous voir discuter comme ça. On travaille fort. On travaille fort. On travaille fort. Line, je ne sais pas si toi aussi, tu avais d'autres conséquences que tu souhaitais aborder? Annabelle nous en avait amenées ou pour toi, c'était... Beaucoup les cauchemars, l'insomnie... Ça a été... C'était difficile? Oui, puis encore aujourd'hui, il y en a encore, moins fréquents, mais quand même beaucoup intenses où est-ce que les flashbacks, tsé, où tu es au même point de sentir, d'avoir l'odeur, de voir, de pouvoir quasiment toucher là. C'est vraiment, tu te réveilles en sueur, puis j'ai déjà été prendre des douches dans la nuit, puis tout ça. Fait que tsé, c'était vraiment intense. Mais aujourd'hui, c'est ça, je réussis à les contrôler un petit peu plus, mais il y en a quand même qui viennent frapper fort. Ça dépend des fois de ce que tu as vécu mettons dans la journée ou peu importe. Des fois, ça vient frapper un petit peu plus fort. Mais à force de travailler, c'est ça, on réussit des fois à aller contrôler un peu ou tsé des fois à juste écouter parce que tu n'es plus capable de te recoucher après. Tu te refermes les yeux, on dirait que tu repars tout de suite dans ça, fait que c'est de trouver des solutions. Tsé là, j'ai comme écouter des petites musiques plus douces... Plus relaxante.... Fait que là, tu écoutes quelque chose ou j'ai enregistré des musiques de films, tsé calmes, que j'écoute, que j'ai déjà regardés, ça fait que là, je n'ai pas besoin de voir les images, mais juste entendre les paroles, tu vois les images, ce qui fait que ça empêche justement d'avoir ces images-là. Ça change... C'est changer l'image, en réalité. Fait qu'il y a quand même des trucs que tu as mis en place pour t'apaiser dans tout ça. Oui. Puis ça, c'est des cauchemars, de ce que je comprends, qui perdurent depuis plusieurs plusieurs années là. Oui, mais qui étaient un peu enfouis, mais que depuis une dizaine d'années, et bien là... Comme on disait, le petit bouchon commençait à fuir, ça commençait à monter, ça commençait à piller dessus, mais à un moment donné, ça a explosé. Puis ce fameux volcan-là que tu parles, tsé ce n'est pas la première fois que je l'entends avec différentes expressions, mais il y a beaucoup de femmes qui se présentent dans nos services puis qui disent: «  J'avais fermé le tiroir, puis là, on dirait qu'il est ouvert, puis je ne peux plus le refermer. Ça fait 30 ans qu'on dirait que je vis comme si ça ne s'était pas passé, mais là,

mon cerveau, il a dit:

Non, c'est trop. Il faut l'aborder. Ça, c'est une réalité qui est fréquente quand même chez les femmes qui sont victimes, mais c'est sûr que ça devient très confrontant parce qu'on l'a comme enfoui, ça fait que quand ça ressort, ça ressort très à vif, comme si on venait de le vivre parce qu'on ne s'était pas laissé cette chance-là de les vivre les émotions, de vivre tout ce qui était relié à ça. C'est sûr qu'on part... Oui, ça fait 43 ans comme tu l'as nommé, mais pour toi, c'est arrivé il y a quelques... à partir du moment où le volcan a explosé, c'était ici, maintenant. Oui, puis tsé, dans les cauchemars, c'est que tu ne te vois pas aujourd'hui. Tu te vois à ce moment-là, fait que tu es vulnérable. Tu n'as aucun... aucune ressource. C'est là-dessus, justement, qu'on essaie de travailler, de dire: « Écoute, quand tu te vois comme ça dans ton cauchemar, il faut que tu essaies de te ramener toi, adulte, ou de ramener quelqu'un de confiance, adulte, qui va venir comme casser ça.» Mais c'est ça, c'est tellement ancré de dire: « Tu ne peux rien dire, tu es toute seule, il faut pas que tu dises rien, sinon tu vas briser tout. » Et bien ça, c'est difficile encore d'ouvrir la porte et de faire entrer quelqu'un. Puis tsé, je fais beaucoup de... je fais de la peinture, puis de l'art aussi, puis

des fois, ma psy me dit:

« Écoute, il me faut que tu me représentes quelque chose qui va t'aider à sortir de là.» Une journée, je suis arrivée, puis je savais pantoute, je n'avais pas d'idée de qu'est-ce que je pourrais...

Puis, à la dernière minute, j'ai fait:

« Ok, je vais lui faire une porte.» J'ai fait une porte, puis là, elle me dit: « Astheure, il faut que tu rouvres la porte. » Non, tu ne peux pas ouvrir la porte. Ça fait que là tsé, c'est là-dessus que tu te dis: « Oui, il va falloir ouvrir la porte parce que oui, tu peux l'ouvrir. Tu as le droit de l'ouvrir! » Tsé, c'est de te donner le droit de... C'est de travailler beaucoup... C'est ça, fait qu'en faisant comme ça et bien en tout cas, moi, ça m'aide à passer comme un peu des étapes, ouvrir une porte ou tsé, même dans la peinture. Ça ne va pas, je vais peindre. Peu importe. Ça va ressembler à quelque chose. Ça va m'avoir fait du bien, parce que le temps que je peins, il faut que je pense à où je vais le mettre le pinceau là tsé. Fait que ça m'aide à passer un peu toutes ces mauvaises étapes-là. C'est des très bons outils que tu as mis en place. Honnêtement, tu l'as dessiné toujours bien, la porte. Après ça, il va falloir l'ouvrir éventuellement, mais tu as pris la décision de le faire quand même, de la dessiner cette porte-là. Oui, mais elle rouvre là. Elle rouvre! Je l'ai découpée, là, toute en carton. Oui elle peut ouvrir, elle peut ouvrir, mais elle n'est pas ouverte encore. C'est déjà une étape de plus (rires). Un jour, peut-être, mais je ne perds pas espoir. Dans mes dessins, il y a un petit peu de soleil, fait que tsé c'est ça. Je pense que c'est important aussi ce que tu viens de nommer, l'espoir en fait. L'espoir que ça va aller mieux, que vous allez avancer à travers tout ça. Je pense que vous êtes la preuve que ça se peut. Ça se peut malgré le fait que des fois et bien on peut retomber... Tsé moi, je dis montagnes russes là, en montagnes russes, mais vous remontez, vous redescendez moins bas, puis moins longtemps. Fait que cet espoir-là, je pense qu'il faut toujours la garder, ce petit rayon de soleil-là qui apparaît. Il faut toujours y penser. En tout cas, pour moi, c'est ça. C'est ce qui, je pense qui maintient l'équilibre de

dire:

« Aujourd'hui, je suis tombée. Demain, on verra. Le lendemain, c'est une nouvelle journée. Ça va mieux aujourd'hui. » Ça ne veut pas dire que le lendemain, ça n'ira pas bien, tsé il faut voir tout le temps. J'essaie de toujours être positive, même si des fois, tu aurais le goût de tout lâcher, mais je me dis: « Non, il ne mérite pas que je fasse ça pour lui.» C'est... je pense que c'est ça qui m'aide aussi à ne pas y donner encore un pouvoir.

De dire:

« Écoute, je l'ai tenu jusqu'au bout. » Non, là, c'est ça, je veux garder un peu ce petit côté, le petit bout qui me reste, de ne pas y laisser. Je pense que c'est une très belle note de fin ça Line. Ça laisse sur une note d'espoir, puis que ça peut aller mieux. Merci beaucoup à vous deux. C'était une très belle discussion. J'espère que vous avez apprécié. Oui. Merci à toi. Merci de nous permettre de parler. De nous exprimer en sécurité. Oui. Et bien merci donc c'est ce qui conclut ce deuxième épisode. Merci à vous, puis on se revoit dans quelques semaines pour le prochain épisode, merci!

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